REPRODUCTION ARTIFICIELLE DES SALMONIDÉS

Utilisation des boites incubatrices CHERASSE dans une nouvelle frayère artificielle

A l'instar de ce qui est monnaie courante en Norvège, en Écosse, en Irlande et même en Islande, j'ai toujours pensé que, quel que soit le taux de succès de reproduction naturelle sur une rivière à saumon, c'était un devoir pour toutes organisations de pêche comme la mienne ou de tous clubs de pêche de chercher à donner un petit coup de pouce à la nature ne serait-ce que pour contrecarrer la diminution sensible du stock causée par leurs clients ou bien par leurs membres pendant la saison de pêche.
Si certaines formules de rempoissonnement exigent des moyens financiers et des installations bien trop importantes pour être à la portée du simple mortel ou de la petite association de pêche, il existe néanmoins, depuis la vulgarisation des boites incubatrices (genre Vibert),
un procédé simple et efficace de reproduction assistée qui permet d'obtenir des résultats extrêmement satisfaisants.

Contrairement à l'alevinage systématique effectué à grand renfort de bassines dans des ruisseaux de grossissement, cette méthode offre le double avantage d'une part de n'engendrer qu'un minimum de manipulations des oeufs et des alevins et d'autre part de pouvoir choisir avec soins les lieux d'implantation et de grossissement pouvant offrir aux alevins les chances optimum de survie au sein d'un biotope riche en nourriture et pauvre en prédation tout en leur évitant les traumas associés à un changement d'environnement souvent brutal.

Néanmoins, dans certains cas précis, l'utilisation de ces boites incubatrices peut présenter un défaut majeur. En effet, dans certains pays au climat particulièrement humide en hiver, comme l'Irlande, il n'est pas rare que les rivières et tributaires subissent plusieurs crues successives pendant la période de reproduction des salmonidés. Les eaux limoneuses ensablent alors souvent les boites incubatrices, supprimant alors l'apport d'oxygène nécessaire à l'éclosion des oeufs qui périssent ainsi rapidement.

Bien heureusement, ce point faible des boîtes incubatrices n'échappa pas à Monsieur CHERASSE qui chercha à améliorer le système en y incorporant un filtre afin d'éliminer en grande partie le phénomène d'étouffement par le limon des oeufs embryonnés. Son procédé, très simple et facilement fabriqué par le premier bricoleur venu, consiste en une armature en bois dans laquelle coulissent deux grilles retenant les oeufs tout en permettant à un courant constant de les baigner et de leur apporter l'oxygène nécessaire à leur bon développement.

Le fait de rajouter un filtre sur les oeufs avant la fermeture de la boite à l'aide de la deuxième grille a une double raison d'être : d'une part ce dernier permet de filtrer les impuretés charriées pendant une crue, évitant ainsi aux oeufs de périr étouffés et d'autre part la pression de l'eau sur le filtre isole chaque oeuf dans une petite alvéole individuelle permettant ainsi de limiter au maximum le contact entre chaque oeuf et d'éviter ainsi que les oeufs morts, attaqués rapidement par des moisissures ne contaminent le reste des oeufs sains et viables.

Ces boites Cherasse s'utilisent généralement ancrées au fond d'un ruisseau ou bien flottées en travers d'un petit ru favorable. Pour ma part, ayant eu à faire face à des problèmes de prédation (anguilles, larves de libellules etc.), j'ai cherché à incorporer ces boites incubatrices dans un système de frayère artificielle simple et efficace assurant une protection accrue des oeufs et des alevins pendant la période d'incubation et aussi après l'éclosion des alevins, période à laquelle, étant encore peu mobiles, ils sont spécialement vulnérables.

Le procédé employé est simple, il vous suffit de vous procurer un tube en PVC de 25,40cm  de diamètre et d'une longueur de 3,20m utilisé généralement pour l'évacuation des eaux domestiques usées vers le réseau central des égouts.

A l'aide d'une scie sauteuse réglée sur coupe oblique faire deux ouvertures ovales allongées d'environ 1,30m chacune qui serviront de trappes de visite pendant toute la période d'incubation. La coupe oblique permet aux portions de tube découpées de se replacer sur le tube comme un couvercle sans tomber à l'intérieur du tube, fixées ensuite à l'aide de deux Sandows elles redonneront au tube plastique toute son intégrité.

Ceci fait, on remplit les 2/3 de l'intérieur du tube à l'aide de cailloux dont la granulométrie est similaire à celle choisie par les femelles des salmonidés lors de leur frai hivernal. Ceci à pour résultat de lester lourdement le tube qui coule alors sur le fond (choisir des fonds faibles afin de faciliter le contrôle des oeufs : moins de 50cm de préférence dans des cours d'eau gardant un niveau relativement constant en hiver) et ne nécessite alors aucun système d'encrage supplémentaire.

Les dimensions du tube permettent d'accueillir 8 boites incubatrices aux dimensions suivantes :
- Longueur...............................35,50cm
- Largeur..................................21,50cm
- Épaisseur..............................3cm / distance entre les 2 grilles......1cm

Ces dernières, une fois remplies d'œufs (3000 oeufs environ par boite) et les filtres installés, sont introduites dans le tube par les trappes de visites (il est nécessaire de forcer légèrement) et sont de ce fait solidement coincées par les parois du tube juste au-dessus des cailloux. Il ne reste plus qu'à remettre les couvercles, les fixer à l'aide des Sandows et d'obturer les deux extrémités du tube à l'aide de treillage métallique ou plastique (pas trop fin afin de ne pas diminuer la force du courant baignant les boites à l'intérieur du tube mais suffisamment petit pour empêcher les prédateurs de s'introduire dans la frayère).

Il est nécessaire de visiter ces frayères portatives environ tous les deux jours afin d'éliminer les oeufs morts et d'éviter ainsi les risques de contamination.

Dès leur éclosion, les alevins vésiculés quittent la boite et se réfugient sous les cailloux et se retrouve ainsi protégés de leurs ennemis de la même manière que ceux nés sur les frayères naturelles. C'est cette protection immédiate des alevins qui explique les meilleurs résultats de pourcentage de survie par rapport au même type de boites incubatrices ancrées directement au fond du cours d'eau ou celles flottant en surface.

Finalement, lorsque tous les oeufs sont éclos et les alevins en sécurité dans les interstices entre les cailloux de la frayère, il suffit de retirer les grillages de protection aux extrémités du tube, de soulever ce dernier à un angle de 45° par une des extrémités et de faire lentement et prudemment glisser les cailloux sur le fond du ruisseau formant alors une frayère naturelle où les alevins pourrons se développer de la même manière que ceux nés sur les frayères construites par les femelles de l'espèce Salmo Salar.

Bien que n'ayant pas personnellement utilisé cette méthode pour la truite, je suis convaincu qu'en ajustant les dimensions des interstices des grilles utilisées afin d'accommoder les oeufs de truite aux dimensions plus modestes, ces frayères faciles à construite et aisément transportables devraient donner ample satisfaction aux APP et propriétaires de parcours à truite privés cherchant à repeupler leurs parcours le plus naturellement possible.

Jean-Loup Trautner©1997

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