CHECK-UP COMPLET DE L'AVENIR DES RIVIERES EN IRLANDE
"Mieux vaut prévenir que guérir" Dans une Europe qui s'enlise chaque jour un peu plus dans ses déchets et ses pollutions et qui néglige impunément ses rivières et ses réserves d'eau, il est rassurant de constater qu'en Irlande, les autorités, conscientes de l'importance du Tourisme-pêche pour l'économie nationale ont depuis 1994 mis en place un programme ambitieux ayant pour objectifs majeurs la restauration de la qualité des eaux des rivières de l'île, l'amélioration des habitats de la flore et de la faune riveraine, la conservation de l'intégrité des stocks sauvages et enfin l'application d'une législation plus stricte pour la pêche au filet des saumons atlantiques dans les estuaires. L'enjeu... la sauvegarde d'un patrimoine halieutique unique. Bien que le niveau de pollution des rivières irlandaises soit relativement faible comparé à celui de nombreuses rivières européennes, il est néanmoins indéniable que la poussée démographique, l'agriculture et l'élevage intensif, les retombées d'une politique de l'eau inadéquate et la sur-pêche des salmonidés sauvages par les marins-pêcheurs près des côtes ont tous contribué à une dégradation notable de la qualité de la pêche dans un nombre grandissant de cours d'eau de l'île. Le tourisme rapportant plus de 17 milliards de francs à l'économie du pays, le gouvernement irlandais, partant du sain principe qu'il est toujours préférable de prévenir que de guérir, ordonna en 1992 qu'une enquête nationale soit immédiatement ouverte afin d'identifier les sources du problème et de mettre en place le plus rapidement possible un plan d'action efficace. Les ministères directement concernés (Ministères du Tourisme, de l'Environnement, de l'Agriculture et de la Marine) mirent en commun leurs ressources et produirent rapidement un rapport complet et objectif qui mit clairement en évidence la multiplicité des industries et des partis coupables. Il fût immédiatement évident que l'éradication à court terme de ces sources de pollution allait nécessiter une coopération totale ainsi que l'acceptation par les pollueurs et pollués de compromis indispensables. La rigueur et l'honnêteté de cette enquête et l'exactitude du diagnostic initial permit de prescrire un "Traitement de Choc" et d'organiser dès 1994 une campagne "Clean-up" rationnelle et cohérente. La création du Plan de Protection de l'Environnement Rural (R.E.P.S = Rural Environnent Protection Scheme), la construction d'usines de traitement des eaux domestiques usagées dans les villes riveraines, la modification des réglementations de la pêche au filet côtière recommandée par le rapport sur l'état de santé des populations de saumon atlantique en Irlande (Salmon Management Task Force), et enfin l'aide directe, sur le terrain des pêcheries privées et des clubs de pêche locaux assurant la maintenance des rivières et des plans d'eau et dans certains cas l'aide artificielle à la reproduction des salmonidés sauvages, a permis d'obtenir rapidement des résultats extrêmement encourageants. Afin d'apprécier l'envergure de ce projet, une étude détaillée de ces mesures s'impose. CONTRÔLE DE LA POLLUTION AGRICOLE
(R.E.P.S) Afin de bénéficier de ses avantages financiers, les agriculteurs concernés doivent présenter un plan de gestion sur 5 ans de leur exploitation et accepter les directives et les restrictions suivantes : - Contrôle rigoureux des
conditions de stockage et de l'élimination des déchets (lisier, fumier, eaux
souillées,
ensilage). Depuis 1994, le nombre d'agriculteurs participant à ce projet est passé de 350 à 40.000 (40% des agriculteurs éligibles) et l'amélioration sensible de nombreux "points noirs" ont d'ores et déjà donné des résultats très encourageants. Les gestionnaires de ce plan d'action sont confiants d'atteindre avant la fin du siècle un taux de participation à 75% nécessaire à la restauration quasi-complète de la majorité des cours d'eau concernés. CONTRÔLE DE LA POLLUTION CITADINE Les rivières immédiatement concernées par ce plan d'action furent celles au potentiel halieutique et touristique le plus important. La Suir, par exemple, indéniablement la meilleure rivière à truites d'Irlande, a vu la construction dès 1994 d'une station de traitement des eaux à Clonmel qui sera opérationnelle dès la fin 1997. Cinq autres stations plus modestes sont déjà en construction sur cette même rivière. La restauration de la qualité de l'eau a déjà eu une influence directe sur le nombre de saumons remontant ces rivières pour y frayer. En effet l'amélioration progressive du biotope de certains affluents de reproduction a déjà permis d'accroître sensiblement les chances de survie des parrs (tacons) et des smolts. Certaines rivières ont vu le retour à l'état de grisle (castillon) de 7 à 9% de leurs smolts marqués, pourcentage de survie suffisamment exceptionnel pour être mentionné. LEGISLATIONS NOUVELLES SUR LA
PÊCHE AU FILET N'ayant pas les moyens
nécessaires pour contrôler efficacement l'activité des marins-pêcheurs irlandais
se plaignant de la diminution des prises, le Ministère de la Marine fut plus ou
moins contraint d'autoriser l'utilisation des filets mono filaments dérivants
pour la pêche au saumon. Aussi étrange soit-elle, il semblerait que cette
décision ait été efficacement tempérée par l'imposition d'un règlement de pêche
nettement plus strict. Les chiffres officiels indiquent que ces règles furent suivies pendant la saison de pêche 1997 par 95% des pêcheurs possédant une licence de pêche aux filets... Si ce chiffre semble nettement optimiste, il n'en reste pas moins vrai que les remontées de saumons en août et septembre 1997 sur la Suir, furent nettement plus importantes que les années précédentes. Il est aussi notable que seule une très petite proportion des 150 saumons pris pendant ces deux derniers mois de la saison par mes clients sur mes parcours de pêche de la Basse-Suir portaient des marques de filet... fait suffisamment rare pour être noté... Le nombre important de saumons pris sur cette rivière pendant cette période (estimé à plus de 700) et des résultats similaires sur d'autres cours d'eau sont des indications encourageantes qui tendent à prouver que la cohabitation entre les marins-pêcheurs et les pêcheurs à la ligne est possible. Néanmoins, il est évident que la situation actuelle n'est qu'un pis-aller provisoire... la seule solution idéale pour la conservation du patrimoine-saumon est l'éradication totale de toute pêche au filet dans les estuaires et sur les côtes irlandaises... A ce sujet, les plans du Ministère de la Marine sont encore relativement modestes. Initialement le gouvernement prévoit le rachat des droits de pêche dans les estuaires ou le nombre des licences de pêche est le plus faible et où les rivières concernées ont un système de comptage de saumons fiable. Si l'étude des résultats obtenus sur ces rivières-pilotes s'avère concluante, il est éventuellement prévu d'appliquer ces mesures à l'échelon national... Une affaire à suivre... Gérant moi-même une organisation de pêche privée sur la Suir, je suis directement concerné par la réussite de cette campagne de restauration des eaux irlandaises. Faisant initialement partie des sceptiques, je suis ravi maintenant de faire amende honorable et d'admettre que les premiers résultats visibles sont extrêmement encourageants et que les chiffres des premiers bilans justifient eux aussi l'optimisme général. Les 260.000 touristes-pêcheurs dont l'Irlande attend la visite en 1999 seront en mesure de se rendre compte que l'Île d'Émeraude est plus verte que jamais... |
Jean-Loup Trautner©1998 |
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