Animation de la
mouche pendant la dérive ou bien dérive inerte?
Souvent confronté à un
poisson peu coopératif, le pêcheur au saumon à la mouche, rapidement lassé par
l'action de pêche traditionnelle pour le moins répétitive, succombe
invariablement à la tentation d'animer sa mouche pendant la dérive afin de
tenter d'éveiller l'agressivité du prédateur et de le pousser à la faute. Pour
essentielle qu'elle soit, cette technique s'avère bien souvent être une arme à
double tranchant. Indispensable sur certaines eaux, inutile ou voire néfaste sur
d'autres, son utilisation à mauvais escient peut dramatiquement réduire vos
chances de succès, déjà hypothétiques. Savoir reconnaître rapidement les
endroits dans les pools à saumon où les poissons sont susceptibles d'être
présents à un moment donné et choisir la méthode de présentation appropriée qui
peut les inciter à "mordre" sont des armes essentielles dans l'arsenal de tout
saumonier qui se respecte.
L'expérience acquise
pendant plus de 20 ans de pêche au saumon à la mouche sur la rivière Suir et sur
d'autres rivières irlandaises, canadiennes et écossaises m'a permis de me rendre
compte que ces cours d'eau, souvent de nature très différente présentent tous
des similarités marquantes en ce qui concerne ces fameux postes à saumon et la
configuration de leurs pools. S'il est évident que la connaissance intime
d'un cours d'eau est un gros avantage, et que les vielles mains locales
connaissant les places au millimètre réussissent toujours mieux que les
pêcheurs de passage, il n'en reste pas moins vrai qu'il est toujours possible de
tirer son épingle du jeu en appliquant des règles simples et logiques. Une
rivière à saumon typique présente pratiquement toujours des pools présentant un
profil analogue: la tête de pool aux eaux puissantes, suivie par de courants
moyens, une fosse aux eaux profondes et relativement calmes et enfin la fin de
pool, le fameux seuil ou glide où les eaux lisses ré-accélèrent avant de
créer les rapides du pool suivant. Chercher à pêcher ces eaux si différentes en
employant la même technique est une erreur souvent commise par le novice. La
durée de nos voyages de pêche au saumon à l'étranger étant souvent brève, le but
essentiel de cet article est de permettre aux pêcheurs désirant s'essayer au
saumon de reconnaître rapidement les coups qui rapportent et de les pêcher en
employant la méthode susceptible de leur donner les meilleures chances de succès
et peut être aussi aux pêcheurs plus expérimentés d'essayer une nouvelle
technique de pêche qui ne leur est peut être pas
familière.
LES COURANTS PUISSANTS
DE TÊTES DE POOL Bien qu'étant
généralement associé à des eaux rapides et tumultueuses, le saumon n'aime guère
à se tenir pendant longtemps dans les courants forts des têtes de pool. Ne se
nourrissant plus en rivière et cherchant à conserver au maximum leur énergie en
vue des noces épuisantes à venir, les saumons ne sont présents dans ces eaux
turbulentes que lorsqu'ils sont en train de monter dans la rivière. Ces
périodes de migration vers l'amont sont souvent brèves et s'effectuent la
plupart du temps en début de crue et en fin de décrue. Les saumons remontent
alors en bordures des veines de courant ou bien à la limite du courant principal
souvent même très près des bords.
La technique de pêche de
ces eaux vives est très simple. Le courant fort animant suffisamment la mouche,
la règle essentielle à suivre est de chercher à ralentir au maximum la vitesse
de dérive de l'artificielle sans chercher à l'animer (dérive inerte) sauf
pendant la récupération de la soie en fin de dérive lorsque votre soie est
pratiquement parallèle à votre rive.
Dans ce but, il
est nécessaire de : - lancer environ 3/4
aval : (30° aval, plus l'angle de lancer est fermé, moins le courant central a
d'incidence sur la courbure de la soie ce qui ralentit la dérive de la mouche
d'autant. - faire un mending
(courbure vers l'amont pour ralentir la vitesse de la dérive de l'artificielle)
ou plusieurs autres successifs pendant la dérive si le courant est vraiment très
puissant. et il est inutile
de : - chercher à animer
votre artificielle, la force du courant se chargeant de donner de la vie à
votre mouche. Toute animation ne servirait dans ce cas précis qu'à augmenter la
vitesse de nage de l'artificielle qui aurait alors que peu de chance de tenter
un saumon. - faire un lancer
macho cherchant à atteindre la rive d'en face... car il est fort probable que
c'est lorsque votre mouche aura perdu pratiquement toute sa vitesse de nage
qu'elle sera interceptée, souvent sous votre canne par un saumon posté en
bordure du courant principal et cela généralement au moment précis où vous aurez
réanimé votre artificielle en tirant deux ou trois grandes brassées de soie
avant de relancer. LES COURANTS MOYENS Situés directement
en aval des grands courants de tête de pool, ces eaux sont toujours privilégiées
par les pêcheurs de saumons à la mouche. En effet, c'est souvent dans ces eaux
toujours très oxygénées et généralement d'une profondeur moyenne de 1,5 à 2
mètres,
que l'on observe le plus grand nombre de marsouinages. Les poissons en cours
de migration vers l'amont s'y postent volontiers pour faire une pause plus ou
moins longue avant d'attaquer les eaux torrentueuses de la tête de pool. De
même, généralement tôt le matin ou au crépuscule, les saumons résidents dans
la fosse du pool viennent régulièrement s'oxygéner dans ces courants où ils
redeviennent alors bien souvent mordeurs pour un temps...
Les techniques de
pêche utilisées pour pêcher ces courants moyens sont variées : - Il est possible
d'utiliser la technique de la dérive inerte mais il est souvent nécessaire alors
d'utiliser des artificielles montées avec des matériaux plutôt mous comme le
marabout, la queue d'écureuil, la plume de paonne ou de héron qui donnent plus
de mouvement à la mouche pendant la dérive. - Il est aussi
possible de donner, pendant toute la durée de la dérive, de petits coups de
poignet qui animent l'artificielle pendant toute sa
dérive en travers du courant. Cette technique, chère aux anciens pêcheurs de
saumon de l'Allier permet de pêcher avec des artificielles plus rigides ou bien
plus dépouillées qui pêchent alors légèrement plus profondément. - Là encore, il est
nécessaire, en fin de dérive, de tirer 2 ou 3 brassées de soie avant d'effectuer
le lancer suivant afin d'essayer de tenter un saumon qui aurait suivi la mouche
pendant sa dérive sans pour cela l'intercepter.
Il est important
de noter que cette partie essentielle du lancer est généralement escamotée par
la grande majorité des pêcheurs de saumon à la mouche trop souvent impatients de
relancer le plus vite possible en fin de dérive.
LA FOSSE
CENTRALE Le milieu d'un
pool à saumon est bien souvent occupé par une fosse d'une profondeur pouvant
varier sur certaines rivières de 1,5 à 5 mètres de profondeur. Ces eaux au courant
relativement calme offrent aux saumons des postes de repos sûrs et confortables.
Ce sont les endroits privilégiés par les saumons résidents qui vont s'y
installer pendant souvent plusieurs mois en attendant que le tropisme
reproductif les poussent à remonter vers les frayères afin de perpétuer
l'espèce.
Contrairement aux
nombreuses idées reçues, c'est bien souvent à l'entrée et à la sortie de ces
fosses que vous prendrez le plus grand nombre de vos saumons à la
mouche. - La pêche des
ces profonds est délicate et ingrate. Dans ces eaux
molles, il n'est plus question de pêcher en dérive inerte, le courant étant trop
faible pour rendre attirante une artificielle même de petite taille, il est dans
ce cas précis non seulement nécessaire de chercher à animer la mouche mais aussi
d'accélérer sa vitesse de nage. - Les méthodes
d'animation sont variées, il est possible après avoir
effectuer un lancer pratiquement perpendiculaire soit de faire des petites
tirées rapides et saccadées sur la soie d'environ 20 à 40cm d'amplitude ou bien
de tirer de grandes brassées plus lentes et régulières de 50 à 80cm d'amplitude
et ceci pendant toute la durée de la dérive en travers de la
fosse. - Il est aussi
possible de lancer 45° amont et de récupérer la soie
en faisant des tirées successives très rapides en pointant le scion de la canne
directement dans l'axe de la soie. Cette méthode donne souvent de très bons
résultats par eaux basses et chaudes au coeur de l'été lorsque toutes les autres
techniques se sont avérées décevantes. - Enfin, il
est souvent indispensable de faire un mending aval
(boucle vers l'aval qui permet au courant central plus rapide de créer un
ventre important sur la soie et de ce fait d'accroître sensiblement la vitesse
de dérive de l'artificielle) afin d'accélérer la vitesse de nage de la
mouche. Dans ces fosses la
position des postes à saumon varie avec la hauteur des eaux dans la rivière. A
l'étiage les saumons se trouvent dans le chenal et plus l'eau est haute plus ils
se rapprochent des bords. Il est important de connaître la position des saumons
dans une fosse à un moment donné (zones de touches) car elle conditionne
directement les techniques de pêche énoncées précédemment. Il est aussi utile de
mentionner qu'en règle générale, plus le niveau d'eau est bas plus l'amplitude
des mouvements de récupération de la soie peut être importante
LE SEUIL ou
GLIDE C'est l'endroit,
en queue de pool ou le courant lisse, puissant et peu profond (environ 1 mètre)
ré-accélère progressivement avant de se jeter les rapides de la tête du pool
suivant. Ces fins de pool abritent souvent de très bons postes où les saumons
sont très souvent très mordeurs. Les saumons ayant franchi les rapides de la
tête de pool en aval s'arrêtent souvent brièvement pour souffler dans ces
seuils. La puissance du courant, les plaquant au fond de la rivière, leur permet
de rester sur ces places de repos sans avoir à faire une grande dépense
d'énergie.
La pêche de ces
glides est très simple. Ici, il n'est plus nécessaire de chercher à animer
votre artificielle, le courant s'en charge parfaitement. De plus la faible
profondeur de ces coups vous permet de bien vous avancer dans la rivière et de
présenter votre mouche à un angle de 30° vers l'aval sans avoir à faire de très
longs lancers ce qui simplifie d'autant votre action de pêche. Le mending
amont dans ce cas précis est plus ou moins facultatif car dans les glides les
postes sont tellement marqués que les dérives sont très courtes, les saumons
prenant en général presque dès le posé de la mouche avant que celle-ci ait eu le
temps nécessaire de dériver trop rapidement.
Au saumon à la
mouche, l'expérience ne s'acquiert que grâce à de cuisants échecs. Leur
régularité souvent déprimante m'a finalement convaincu que c'est la
vraisemblance de la nage de votre artificielle qui éveille la convoitise et
déclenche l'attaque du prédateur. Rappelez-vous donc, lors de votre prochaine
visite sur une rivière à saumon, qu'un excès de vitesse est toujours pénalisé...
et qu'il en va souvent de même pour un excès de lenteur...
A bon entendeur
salut !
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