UNE MOUCHE A SAUMON A FAIRE TOURNER LES TÊTES
Si la plupart des pêcheurs au saumon français n'a malheureusement qu'un nombre limité de sorties de pêche pendant la saison et que la majorité de nos saumoniers en est réduite à s'offrir des vacances halieutiques à l'étranger, il est facile à comprendre qu'ils n'ont guère le temps d'innover et d'expérimenter pendant ces courtes rencontres annuelles avec Salar. Cet état de fait est bien dommage car la pêche à la mouche est une permanente interrogation et elle vous force périodiquement à remettre en question vos croyances les plus solides, vos choix de techniques, de matériel à employer et surtout de mouches à utiliser. Pour ma part, j'ai le privilège de vivre depuis 17 ans sur les bords de la Suir en Irlande et de pouvoir y pêcher le saumon pendant 8 mois de l'année. Ce terrain d'étude, perpétuellement à ma disposition, allié à mon tempérament inquisiteur et bricoleur font que cette année encore je me suis laissé tenté par une expérience nouvelle et certainement enrichissante. Durant mon exil halieutique volontaire en Irlande je pense avoir essayé pratiquement toutes les mouches traditionnellement utilisées dans les îles britanniques et en Irlande, plus celles rapportées par mes clients de leurs voyages en Islande, Écosse, Norvège, Canada ou Alaska et aussi les montages des amis, sans oublier bien sur mes inventions personnelles. Un de mes amis, François Delaunay, globe-trotter de la pêche au saumon et un gentleman pêcheur d'une qualité rare revient me voir chaque année avec des idées innovatrices. Nous nous amusons beaucoup à les développer et ensuite à les essayer sur des pools que nous connaissons parfaitement. Variant du génial au délire, ces mouches ont presque toutes pris du saumon au fil des années, et si dorénavant seuls quelques modèles garnissent ma boite à mouche, c'est que l'expérience acquise sur la rivière Suir, me permet désormais de limiter mon choix à quatre modèles en plusieurs tailles qui semblent répondre parfaitement à mes besoins en fonction des conditions de pêche rencontrées pendant une saison de pêche. Si cette sélection réduite de modèles m'inspire toute confiance, je n'oublie jamais que l'une des qualités essentielle d'un pêcheur au saumon à la mouche est de savoir se remettre en question de temps à autre. Être face à face avec un adversaire à l'humeur tellement fantasque nous autorise toutes les libertés et certainement justifie de toutes les extravagances de montage. La pêche du saumon à la mouche est une merveilleuse opportunité de laisser votre imagination s'évader du carcan souvent imposé aux monteurs de mouches à truites et l'absence de règles rend les séances à l'étau extrêmement amusantes tout en satisfaisant l'âme. J'avais lu, il y a quelques années, dans l'excellent livre de Hugh Falkus "la Bible du pêcheur au saumon", un paragraphe concernant l'utilisation d'anneaux ou de petits émerillons en tête des mouches à saumon destinés à augmenter la mobilité de la nage de la mouche, spécialement dans les eaux calmes, afin de rendre le leurre plus attractif et plus pêchant. L'auteur n'ayant pas eu le temps nécessaire d'expérimenter avec cette méthode, il recommande aux lecteurs intéressés, de faire des essais personnels et de tirer leurs propres conclusions des résultats obtenus. Je n'ai pas manqué d'être tenté par tel challenge et cette année j'ai pris le temps de me remettre à l'étau. Néanmoins avant de monter un modèle d'artificielle, je crois qu'il est très important de garder en mémoire ce que l'on attend d'une mouche en action de pêche. Pour ma part, une bonne mouche doit d'abord me plaire esthétiquement, deuxièmement elle doit nager proprement et doit être ni trop rigide ni trop souple, un judicieux choix des matériaux généralement répond adéquatement à cette question, troisièmement elle doit être d'une taille modeste (comprise pour des mouches de base entre taille 10 et taille 4) car je suis de plus en plus persuadé que, tout comme à la truite où beaucoup plus de poissons se laissent séduire par des petites mouches que par des épouvantails, l'on prend plus de saumons dans une saison sur des petites mouches que sur des crocs à congre... Fort de ces conditions, j'ai donc cherché à créer trois modèles distincts utilisant l'un un petit émerillon, l'autre un anneau fendu et le dernier une sorte de petite agrafe. Une fois réalisées, ces mouches articulées furent mis au banc d'essais durant la majeure partie de la saison 94 de la fin-mai jusqu'à la fin septembre. Les conditions de pêche furent en soie flottante et en soie en tête plongeante uniquement, l'utilisation d'une soie intermédiaire ou bien plongeante ne permettant pas d'observer d'une façon efficace la nage de la mouche sous la surface durant la dérive de celle-ci. Les résultats obtenus m'ont permis de porter un jugement que je crois objectif sur les défauts et les qualités de ce genre d'artificielle. Je vais donc passer en revue les éléments nouveaux rentrant en jeu dans l'action de pêche à l'aide de cette "mouche articulée" et tenter de déterminer l'influence faste ou néfaste qu'ils ont engendré. POIDS
SUPPLEMENTAIRE HAMECONS ET
ACCROCHAGE En dépit de l'utilisation forcée d'un hameçon simple sur le modèle que je préfère personnellement (modèle à émerillon), cette artificielle articulée présente des avantages importants comparée à une mouche à hameçon simple traditionnelle. En effet j'ai pris cette année 14 saumons successifs (en plusieurs séances de pêche) sans un seul décrochage... Coïncidence peut-être ?... J'en doute. Le fait que l'hameçon peut effectuer une rotation de 360° explique qu'une fois piqué, le saumon n'a pratiquement aucun point d'appui direct sur l'hameçon et de ce fait les décrochages, accidents de pêche très fréquents lorsque l'on pêche le saumon, s'avèrent moins fréquents qu'avec des mouches traditionnelles. Cette liberté de mouvement dont jouit l'artificielle lui permet d'avoir une dérive plus réaliste lorsque l'on pêche les pools profonds et lents qui abritent souvent d'excellents postes à saumons dans la Suir. Ces eaux mortes qui réussissent souvent très bien aux pêcheurs aux engins métalliques, aux leurres ou aux appâts sont toujours difficile à pêcher à la mouche avec confiance et cette faculté de réagir à la moindre sollicitation du courant est un atout majeur car elle rend la mouche certainement plus pêchante surtout en fin de dérive, lorsque la mouche ralentit et perd de sa vraisemblance. Le poids en tête de la mouche permet à celle-ci de ne pas s'avachir et de pendouiller d'une façon peu attractive et une récupération de la ligne par petites tirées, créant une sorte de "dandinette", déclenche souvent l'attaque d'un saumon. Cette méthode est bien évidemment en totale contradiction avec celle utilisée par les "vieilles mains" qui ne jurent que par l'utilisation d'une mouche reliée au bas de ligne par un noeud emprisonnant la tête de l'artificielle, réduisant de ce fait pratiquement tout mouvement latéral ou de haut en bas de la mouche. Néanmoins, l'expérience prouve qu'il existe plus d'une méthode pour prendre du saumon à la mouche et je dois avouer que j'ai été favorablement impressionné par les résultats obtenus grâce à cette méthode. Une autre école de pêcheurs utilise d'ailleurs depuis fort longtemps un nœud avec une boucle de Nylon libre rattachée à l'œillet qui donne à l'artificielle une certaine liberté de mouvement et rejoint de ce fait le principe de l'utilisation d'un émerillon ou d'une agrafe. Plus que toute autres facteurs nouveaux dans la pêche au saumon, je crois que ce désir d'accentuer la mobilité de l'artificielle se généralise de plus en plus et j'espère qu'il sera bientôt possible d'obtenir des émerillons parfaitement adaptés au montage de ce type d'artificielle. BAS DE
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Jean-Loup Trautner©2000 |
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