LA PÊCHE AU TOC SUR LA SUIR par Jean Jacques CHAUMET |
La Suir est surtout réputée pour la qualité de la pêche à la mouche qui s'y pratique. Néanmoins le début et la fin de saison (mars, avril, mai et septembre) sont des périodes où la " pêche au toc " donne d'excellents résultats sur cette rivière. Un ver bien présenté (la pêche à l'asticot est interdite et la pêche à la teigne est extrêmement décevante) vous réservera souvent bien des surprises…car si les grosses farios semblent apprécier cet appât, les saumons eux-aussi se laissent souvent tenter par un lombric bien présenté… Il est aussi possible de bien réussir au toc pendant la période estivale et l'utilisation de cette technique de pêche par eaux basses est alors un challenge redoutable. Ne maîtrisant pas bien cette forme de pêche, je laisse aux grands spécialistes le soin de vous expliquer les techniques et tactiques qui marchent sur la rivière Suir. Jean-Jacques CHAUMET, un
auvergnat de pure souche d'une gentillesse et d'une compétence remarquable, a
fait ses premières armes " au toc " sur l'Alagnon, la Sioule et les Couzes à
l'époque où de nombreux cours d'eau français de 1ère catégorie n'avaient rien à
envier aux rivières à salmonidés d'Irlande ou d'ailleurs…Tenté par un
nouveau challenge il décida dans les années 1980 de se spécialiser dans la
pêche de compétition au
coup. Les résultats sont
impressionnants : Sur cette large rivière de plaine qu'est la Suir, la pêche au toc acquiert ses lettres de noblesse. Les virtuoses y atteignent la jubilation, alors que pour d'autres, c'est l'occasion de se perfectionner en étant sûr de passer leur ligne sur des coups toujours habités par de nombreuses truites fario de souche authentique.
La Suir, c'est une grande rivière de 25 à 35 mètres de large. Sur les parcours de Jean-Loup Trautner, l'accès et la circulation le long des berges est facile. La pêche en wading est préférable, compte tenu de la dimension des coups. Bien que de très bonne qualité, l'eau est toujours légèrement brune, un peu à l'image de la Creuse ou la Vienne en France. Ici, point de cascade, de remous marqué derrière un bloc de rocher : la rivière glisse d'un méandre à l'autre avec des vifs et des morts et aussi des radiers peu profonds. Toutes les parties molles s'enrichissent d'herbiers. Pas question de pêcher "à la barre" avec une canne longue et une ligne très plombée pour prospecter des coups très précis : sur la Suir, il faut explorer les veines d'eau en réalisant des dérives parfaites, aussi pures que celles que s'évertue à produire un moucheur en nymphe au fil. Compte tenu de ces caractéristiques, le matériel le mieux adapté pour le toc sur la Suir est celui qui correspond à la méthode dite pyrénéenne. La canne est légère, à action de pointe. Vous avez le choix entre une bonne canne pour l'anglaise et une canne fil intérieur. Si vous optez pour le fil intérieur, la glisse du nylon à l'intérieur de la canne doit être parfaite. Seules des cannes entretoisées par des spécialistes répondent à ce critère.
Évitez les cannes trop longues, vite fatigantes : 3,90 mètres suffisent, 4,20 mètres grand maximum. Le moulinet a peu d'importance. En rapport qualité - prix, le Ritma 72 est remarquable : peu d'emmêlages et une bonne vitesse de récupération sont ses atouts, ainsi que son faible poids. Pour les perfectionnistes, le Vivarelli est le nec plus ultra… à condition d'habiller l'intérieur des flasques de la bobine avec du liège en feuille. Grâce à son système de récupération ce semi-automatique permet de rentrer 10m de bannière en un temps record. La précision de réglage du frein est encore une de ses qualités appréciables compte tenu de la combativité des truites de la Suir.
Garnissez votre moulinet avec du 16/100èmes, en sachant qu'un nylon fluo permet de mieux suivre la dérive. Si l'eau est très basse, un 14/100èmes est préférable. Détail important : le moulinet doit être fixé très bas : à 10 ou 15 centimètres seulement du talon de la canne.
Après avoir passé le fil dans les anneaux ou à l'intérieur de la canne, enfilez sur le corps de ligne un petit rigoletto qui vous servira de repère. Raccordez environ 1m de 14/100èmes par un nœud baril. Montez sur ce nylon un hameçon fin de fer n° 10 ou 12 (feeling série 3410 par eau basse ou 3080 par niveau plus fort).
La plombée est le point sensible de cette technique : placez vos plombs à une dizaine de centimètres de l'hameçon, soit serrés les uns contre les autres, soit espacés de 5 à 10 mm. La taille et le nombre des plombs dépend de la façon dont l'eau pousse sur le coup que vous prospectez : 3 plombs de 8 sont suffisants pour une bordure un peu molle, alors que 4 ou 5 plombs n° 4 sont nécessaires pour bien explorer le courant en amont de " la cabane ".
Pour les veines d'eau les plus puissantes, et aussi pour faire face à une petite crue éventuelle, prévoyez des lests additionnels réalisés avec du gros fusible façonné en spirale sur une tige de corde à piano. Vous pouvez facilement placer ce type de plombée au dessus de vos plombs pour alourdir momentanément votre montage.
La Suir offre à ses truites un garde-manger d'une richesse incroyable : les larves pullulent, avec une grande diversité. Trop gâtées, les truites sont très sélectives et y regardent à deux fois avant de se laisser tenter. Le ver de terreau de petite taille est moins banal que toutes ces larves aquatiques. C'est pourquoi cette esche semble la plus efficace pour la pêche au toc. Pensez à en mettre une provision dans vos bagages, car, sur place vous n'aurez peut-être pas envie de perdre du temps à gratter la terre !
Sur la Suir, les truites sont présentes partout, mais si les plus expérimentés peuvent se régaler à tenter un poisson sur un lisse ou contre une bordure éloignée, pour le pêcheur moyen ou débutant, il vaut mieux prospecter les courants et les radiers ou l'eau frise et vous montre où se situe la bonne coulée. Vous pouvez pêcher en vous déplaçant vers l'aval, ou vers l'amont - personnellement, je préfère attaquer le coup en aval et progresser vers l'amont : cette méthode est possible sur la Suir parce que l'eau n'est pas aussi limpide que sur l'Aspe ou la Dourbie( rivières française). Elle présente deux avantages : La capture d'un poisson n'effraie pas ceux postés en amont, que vous allez visiter ensuite. Ce type de prospection vous évite le défaut qui consiste à laisser dériver la ligne trop en aval (puisque vous avez déjà pêché la zone située à 7 ou 8m en aval de vous). Commencez à pêcher la bordure en restant discret : envoyez la ligne légèrement en amont de vous, puis ramenez la canne presque verticale, coude collé au corps. La main gauche (pour un droitier) contrôle le fil entre le moulinet et le premier anneau. Si la ligne semble ralentir , donnez un " coup d'accélérateur " en relevant légèrement la canne et en effectuant une petite traction sur le fil. Au contraire, si la bannière semble s'emballer, poussée trop vite par la force du courant, donner du fil en prenant garde de ne pas incliner la canne : celle ci doit rester levée pour optimiser le contrôle de la dérive. Votre rigoletto doit être réglé de façon à rester à quelques centimètres au dessus de l'eau. La touche se manifeste par un coup sec sur la ligne, visible au niveau du rigoletto. Parfois, la ligne est seulement bloquée ou se déplace latéralement. Dans tous les cas, le ferrage doit être immédiat et vigoureux. Toute baisse de vigilance est sanctionnée par un ferrage à retardement… et dans le vide ! Au pire, vous capturez une truitelle inexpérimentée qui aura engamé et que vous risquez d'abîmer.
Cette pêche
demande une grande maîtrise gestuelle, mais vous pouvez garder en mémoire
quelques principes simples pour faire votre apprentissage : Enfin, un petit mot pour remercier Jean-Loup de nous offrir de tels parcours, où les farios sauvages de souche dépassent couramment les 35 centimètres. Respectons cette rivière, je ne saurais vous recommander encore d'écraser vos ardillons et de respecter les belles de la Suir. |
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